Se laisser guider
Quel douceur cet après-midi après la fraîcheur presque hivernale des jours passés. « Oh rien qu’une petite balade ! » minaudent mes jambes désireuses de s’élancer sur les chemins. C’est parti pour un itinéraire non défini, au feeling… de ceux qui me réservent souvent de belles aventures ! A chaque intersection je dirige mes yeux dans chacune des directions possibles et emprunte celle où je ressens fluidité et légèreté.
Après avoir pris plaisir à discuter avec un cycliste peinant tellement dans une montée que nous avançons à la même allure, mon regard est attiré par deux masses marron en contrebas du chemin, dans un pré bordé d’un ruisseau. Je me fige, cesse même de respirer avant de me rendre compte qu’à cette distance nulle risque que le soulèvement de ma poitrine les mette en fuite. Avec des gestes lents j’attrape rapidement mes jumelles, me félicitant au passage d’en avoir fait mes passagères.
Un couple de ragondins !! Je le sais pour avoir regardé un épisode de Marie Wild il y a peu : les ragondins ont une queue cylindrique et des moustaches blanches (les castors ont la queue plate et il n’y en a pas à 500m de chez moi !). C’est génial, je jubile de pouvoir observer cet animal sauvage se nourrissant paisiblement. Au passage une mésange bleue attirera aussi mon regard en sautillant habilement de branche en branche, quel bel oiseau, une œuvre d’art !!
C’est remplie de gratitude pour ce merveilleux cadeau que je reprends mon chemin, le soleil a disparu derrière la colline et l’humidité se fait sentir dans la combe. J’accélère le pas.
J’approche d’une ferme devant laquelle je ressens souvent de la tristesse à la vue des boxes accueillant de tous jeunes veaux ayant été retirés à leur mère… ce qui nourrit à chaque fois mon questionnement sur ma consommation de lait de lait animal. Certes elle se limite à quelques morceaux de fromage, locaux et bio, dégustés à leur juste valeur ; un peu de beurre sur les tartines du dimanche et de crème fraîche lorsque qu’elle s’avère irremplaçable ! Mouai…
Bref. J’en suis là dans mes réflexions quand je découvre avec stupéfaction, dans la boue, une vache venant de mettre bas et son petit, encore trempé de liquide amniotique et la tête engluée dans le placenta (enfin je crois, c’est en tous cas un truc visqueux). Quelques mètres les séparent, la mère est peut-être trop épuisée pour s’occuper de son petit, il tremble de tout son frêle corps. Je reste ainsi, stupéfaite pendant de longues secondes… je parle à la mère pour l’encourager à prendre soin de son nouveau-né, ne peux m’empêcher de plaindre le petit, ce qui ne l’aide sûrement pas !
Que faire ? je cherche des yeux le fermier, m’approche de la stabulation où de nombreuses vaches mangent paisiblement (et au chaud !), personne, est-ce qu’il sait que sa vache a vêlé ? Pourquoi l’a-t-il laissée dehors alors qu’elle était sûrement sur le point de mettre bas ? Questionnement, colère, que suis censée faire ? Laisser la nature faire son œuvre… euh c’est l’homme qui a créé ces conditions. Ce ne sont pas mes affaires après tout… oui mais maintenant je me sens concernée.
Action, je me déleste de mon sac à dos puis vais chercher de la paille dans la stabulation, franchis la clôture, m’accroupis dans la boue, vérifie que les naseaux ne sont pas obstrués puis me mets à frotter le pelage du veau. Je note au passage que j’ai fait cela instinctivement… l’ai-je vu à la télé ? l’ai-je fait dans une de mes vies de fermière ;-) ? Cela permet de sécher, réchauffer et stimuler le petit. Au bout de quelques minutes il essaie de se lever en vain quand enfin c’est sa mère qui trouve assez de force pour le faire.
Je m’éclipse immédiatement pour constater, de loin, les pieds lestés de boue et les mains gluantes qu’elle se met à lui nettoyer la tête à grands coup de langue. Je suis contente, je reprends ma route.
Quelle balade ! De rencontres en ravissement, d’expériences en prise de conscience… je me félicite de m’être ainsi laissée guidée.
Plus tard en écrivant ces mots un sublime coucher de soleil embrase le ciel, je suis heureuse d’être sur terre.